mercredi 21 janvier 2015

C'est comme ça le boulot?

Un jour un pote m'a raconté qu'à deux jours du Nouvel An, sa chérie lui a fait une mini-crise (larmes au bord des yeux quoi) parce qu'il n'avait rien prévu de spécial pour ladite soirée. A cette époque, il était débordé, c'était pas facile niveau travail, il était plutôt mal niveau nerfs. Mais il a cherché un truc et booké une soirée en extrême urgence. Je lui ai dit que sa chérie, elle avait de la chance de l'avoir, et que c'était un peu abusé sa réaction. Il m'a répondu "c'est comme ça les chéries". J'ai eu envie de lui répondre que sa petite princesse, vu l'état dans lequel il était, plutôt que de lui faire une crise elle aurait pu chercher de son côté et lui faire une surprise, ou lui proposer qu'ils cherchent tous les deux. C'est pas son larbin, et il était crevé! Mais je n'ai rien dit. J'ai trouvé ça triste sa réaction "c'est comme ça les chéries". Et finalement je me rends compte que j'ai un peu la même avec le boulot. "C'est comme ça le boulot".


Oui, je suis désabusée par le travail. Il faut savoir que je bosse en presta. Mon client est une grosse boîte bien connue. J'ai une visibilité à trois mois maximum, et je sais quelques jours avant la fin de ma mission si je reste ou pas. Si je ne reste pas, ça veut dire que j'aurais une autre mission, je ne sais pas où, ou bien que d'ici quelques mois au mieux je serai au chômage. Vive la visibilité!

Mon travail, c'est, en gros, d'essayer de poser des sparadraps. J'ai bossé en administration, j'ai entendu dire le fameux "on a toujours fait comme ça". Je pensais qu'une grosse boîte avec des impératifs économiques échapperait un peu à ça. Je me trompais. 

J'utilise des outils totalement inadaptés et désuets. Ils étaient sans doute adaptés à l'époque, mais sont incapables de traiter le volume de données actuel (la boîte a bien grandi depuis sa création). Je passe des heures à faire des copier/coller, pour donner des résultats franchement pas fiables. J'ai proposé une solution bien plus adaptée, et qui ne serait pas très chère. Niet. On a toujours fait comme ça, nos outils sont très bien. Pendant ce temps là je m'arrache les cheveux sur mes copier/coller. Ceux qui disent que les outils sont très bien ne passent pas 4h par jour dessus.

Je ne suis pas la seule à m'arracher les cheveux. Du coup, tous les services dépendant de nos données doivent le faire. J'ai mis ça en avant: on s'en fout, c'est leur problème. C'est beau la coopération. Et si je bosse pour arranger les choses (j'ai pitié d'eux quand même), on me dit que ce n'est pas mon job, qu'il faut que j'arrête. Vraiment beau la coopération.

Au lieu de faire un vrai travail de fond, je fais donc des copier/coller. Pour un résultat tout pourri.

Comme tous les prestas, j'ai espéré une embauche chez le client. Visibilité, évolution de carrière...Puis finalement j'ai abandonné. Déjà, parce que j'en ai marre de faire des copier/coller. Ensuite parce qu'il n'y a pas d'embauche, sauf si on connaît quelqu'un, à de très rares exceptions près.

J'ai beaucoup d'idées, c'est un peu un problème. J'ai aussi une vision plutôt en amont des choses, ça c'est l'expérience. Les impératifs économiques ont changé. J'ai anticipé le truc, j'avais déjà vécu. J'ai prévenu mon responsable chez le client. Oreille distraite. Et évidemment, quand ce que j'avais prévu qu'on nous demande est tombé, on n'était pas prêts. Il a fallu bosser n'importe comment dans l'urgence pour fournir. Peu importe.

J'étais motivée, je suis une grosse bosseuse, je voulais vraiment améliorer les choses. Je ne le suis plus.
Certaines de mes idées ont finalement été suivies, sans que je ne le sache. Quand je m'en suis rendu compte, j'ai failli pleurer. J'aurais dû être contente: la preuve que j'avais bien analysé les choses, que mes idées étaient bonnes. Las. Ma hiérarchie client s'est autocongratulée d'avoir bien bossé, alors que je m'étais battue contre elle pour imposer certains process. On a besoin d'un peu de félicitations de temps en temps quand même. 

Je suis une fille gentille. Je me rends compte que ma hiérarchie bosse, qu'ils ont leurs contraintes. Je n'arrive pas à leur en vouloir, même si je suis de plus en plus déçue. Je vois les jeux de pouvoir. On n'aide pas bidule parce que sinon ça va nous donner de la charge en plus. n n'aide pas machin parce qu'on ne l'aime pas. Les dents qui râclent le parquet aussi.

Voilà comment c'est pour moi le boulot. Précaire. Qui rend un peu fou. Sans reconnaissance.

On me dit t'as un boulot, chez un client prestigieux, dans un coin de province sympa. Te plains pas. Ta hiérarchie n'est pas trop chiante, ne te plains pas.

Voilà.

"C'est comme ça le boulot". Y'a vraiment pas d'autre solution? Je suis obligée d'être précaire? Je suis obligée de perdre mon temps à faire des tâches débiles sur des outils désuets, alors que je connais la solution? De me fâcher avec des gens avec qui je voudrais collaborer? De jouer les Cassandre? De ne pas avoir de reconnaissance?

Je ne sais pas si travailler sans cesse rend fou...Mais travailler avec des gens qui ne veulent rien changer et ne joue pas le jeu de la collaboration rend fou, pour sûr.

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